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L'apparition de la foi chrétienne, il y a deux mille ans,
représente un bien étrange moment de l'histoire universelle.
Tous les peuples vivaient sous le dais de panthéons où
régnait une fringante société de dieux et de déesses. Un
seul peuple faisait exception ; il ne reconnaissait qu'un
Dieu, Yahvé. Comment ces deux puissantes religiosités ont-elles
pu laisser s'ouvrir au milieu d'elles l'espace de celle
qui faisait d'un bien modeste Israélite, Jésus de Nazareth, la
figure même du divin ?
Pour le comprendre, faut-il simplement se référer aux
évangiles ? Leur rédaction ne fut pas la cause mais l'effet de
l'élan primordial de cette foi. Le milieu matriciel direct a été
celui du judaïsme. Lors des apparitions pascales, seule la
référence aux «Écritures» permit aux Apôtres d'approcher
l'identité secrète du Christ. S'y attestait un Dieu qui, tout en
préservant jalousement sa transcendance, s'annonçait avec
vocation à l'humain et s'invitait à la société de son peuple
pour un projet de vie.
En remontant alors aux origines mêmes de cette foi on a la
surprise de découvrir des préalables qui, généralement, ont
été laissés dans l'ombre : la Bible conserve aussi la mémoire
de la religiosité qui a précédé le polythéisme lui-même.
Dans l'animisme, le numineux n'avait existé qu'à l'état d'incarnation
dans le physique. Dès lors, l'analogie entre l'affleurement
primordial du sens religieux - «l'ancien testament
païen» (P. Ricoeur) - et le spécifique de la foi chrétienne
demande que soient retenues également les traces
d'une telle séquence.
Par l'attention à ces antécédents jusqu'ici négligés ou jugés
dangereux, se propose dans ces pages une approche du fait
chrétien qui emprunte la voie par laquelle celui-ci est lui-même
advenu.