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Comment est né l'Etat moderne que d'aucuns disent en crise ? Quel rôle a-t-il
joué dans la relative pacification des sociétés occidentales au cours des
cinq derniers siècles ? Une théorie de la civilisation peut-elle comprendre et
expliquer Auschwitz ? L'oeuvre de Norbert Elias (1897-1990) s'est confrontée
sans faux-semblants aux principaux défis légués par le XXe siècle aux
sciences humaines. Atypique et longtemps méconnue, cette sociologie historique
assume la tentative de penser ensemble, et dans la longue durée,
l'évolution des structures psychiques des individus et celle des structures
sociales des entités qu'ils forment. Aujourd'hui, les conséquences de la
mondialisation et les questions soulevées par l'intégration européenne lui
offrent une actualité nouvelle. Les transformations affectant l'organisation
politique des hommes n'ont certes aucune raison de s'arrêter aux frontières
des Etats-nations, peut-être appelés à disparaître sous l'effet d'interdépendances
devenues planétaires. Mais quand l'appartenance à l'humanité peine
à créer du sens, peut-on éviter que la communauté ne se fonde sur un sentiment,
par définition toujours exclusif d'un «autre» ? La tâche du sociologue
se voit alors redéfinie : mettre les problèmes en histoire afin de les mettre à
distance. De même que sa mission : rapprocher les individus en leur faisant
connaître et reconnaître les liens qui les unissent. C'est à la lumière de cette
double ambition que se laisse décrypter la réflexion d'Elias. Une réflexion
sur le devenir de la civilisation et de l'Etat aussi originale que contestée, et
dont les enjeux politiques et épistémologiques ne sauraient être dissociés.