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Des changements majeurs, accélérés par divers progrès
techniques, ont mis à l'épreuve tous les repères jusqu'ici les
plus stables dans la vie en société : le mariage, la procréation,
les rapports entre les générations, la différence des sexes,
l'éducation, l'autorité dans la famille, à l'école et dans toute
la vie collective, le passage à l'âge adulte, etc. L'équilibre
psychique des individus - leur subjectivité - s'en retrouve
modifié d'une manière inédite dans l'histoire de l'humanité.
C'est à une réelle mutation du lien social qu'on assiste.
Parmi les conséquences majeures de ce phénomène, on peut
notamment repérer la prévalence accordée à la jouissance
par rapport au désir, le rejet de la nécessité de se confronter
à la dimension de la perte, le refus du recours au tiers au
profit des simples situations duelles, l'illusion d'une nouvelle
autonomie subjective et même une tentative, en fin de compte,
de vivre ensemble sans autrui. On peut voir là à l'oeuvre un
fonctionnement psychique fondé sur un mécanisme - le déni -
que Freud considérait central dans la perversion.
Sommes-nous donc tous en train de devenir pervers ?
Certainement pas si l'on veut parler du renversement du
rapport à la Loi que l'on constate chez Sade ou Sacher-Masoch.
Mais les évolutions en cours nous invitent à adopter
des comportements qui relèvent de ce qu'on pourrait appeler
une «perversion ordinaire», propre à notre époque, qui vient
se substituer en partie à la «névrose ordinaire» d'hier.