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Le supermarché du visible essai d'iconomie
Ce qu'il s'agit d'analyser, d'ausculter, c'est ce que Walter
Benjamin, en 1929 déjà, décrivait comme un espace chargé à
cent pour cent d'images. Autrement dit : cette visibilité saturée
qui nous arrive de partout, nous entoure et nous traverse
aujourd'hui.
Un tel espace iconique est le produit d'une histoire : celle
de la mise en circulation et de la marchandisation générale
des images et des vues. Il fallait ébaucher sa généalogie,
depuis les premiers ascenseurs ou escalators (ces travellings
avant la lettre) jusqu'aux techniques actuelles de l'oculométrie traquant les moindres saccades de nos yeux, en passant
par le cinéma, grand chef d'orchestre des regards.
Mais, sous-jacente à cette innervation du visible, il y a une
économie propre aux images : ce qu'on tente d'appeler leur
iconomie. Deleuze l'avait entrevue lorsqu'il écrivait, dans des
pages inspirées par Marx : « l'argent est l'envers de toutes les
images que le cinéma montre et monte à l'endroit ». Une
phrase que l'on n'entendra dans toute sa portée ontologique
qu'à condition de se souvenir que « cinéma » veut aussi dire
ici : « l'univers ».
C'est pourquoi, tout en se laissant guider par des
séquences d'Hitchcock, de Bresson, d'Antonioni, de De
Palma ou des Sopranos, ces pages voudraient frayer la voie
qui conduit d'une iconomie restreinte à ce qu'on pourrait
nommer, avec Bataille, une iconomie générale.