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Le tableau achevé, le peintre aura-t-il
atteint l'objet inconnu de son désir ?
Le reconnaîtra-t-il dans son travail ? Peut-être
aura-t-il l'impression fugace qu'il s'en
est rapproché - pour le perdre à nouveau.
Au-delà du tableau en cours et de son
propos particulier, l'amour fou du peintre
s'adresse à la peinture elle-même, à
ses pouvoirs, en ce qu'elle est inépuisable,
en ce que sa nécessité se renouvelle
chaque jour.
Dans Matisse-en-France, Aragon transcrit ce
propos de Henri Matisse : "Le signe. Il y a
deux catégories d'artistes, les uns qui font
à chaque occasion le portrait d'une main,
d'une nouvelle main chaque fois, par
exemple Corot, les autres qui font le signe
de la main, comme Delacroix. Avec des
signes, on peut composer librement et
ornementalement."
Il y aurait ainsi deux façons de peindre, et,
si ce n'est deux peintures antinomiques, du
moins deux versants opposés de la
peinture : une peinture du signe, une
peinture de la ressemblance. Et des
peintres qui peignent les uns ce qu'ils
voient, les autres, ce qu'ils savent ou
imaginent.
Le désir de ressemblance, aimanté par la
singularité des choses réelles, en accepte
la fascination, au risque d'en devenir captif.
Le signe s'en dégage, ne retenant que la
généralité de leurs notions.
Telles sont les problématiques qu'explorent
les textes rassemblés dans cet ouvrage,
notamment au travers d'oeuvres aussi
diverses que celles de Shafic Abboud,
Marcel Duchamp, Charles E. Marks,
Zoran Music ou Otto Schauer.