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«... Car nous sommes ici pour civiliser, et civiliser veut dire, littéralement,
soigner, éliminer le complexe panique, vous sortir de la psychose tellurique,
aussi notre travail exige, vous le comprenez bien, avant tout, que
nous pénétrions au coeur même de l'âme indigène, que nous y plongions
jusqu'au fin fond, jusqu'aux profondeurs où se forgent, monstrueuses et
difformes, comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, vos idées anarchisantes
et vite destructrices, vous me comprenez bien, n'est-ce pas, et je
suis sûr que mon père ne comprit rien à ce discours, sauf que j'étais la
tête de file d'une conspiration destinée à saper l'autorité sacrée du père,
et bien sûr, il m'attribua une scélératesse absolue, du moins c'est ce que
je crus pendant ma convalescence, une scélératesse digne de l'imagination
enfiévrée et maladive de Jérôme Bosch, c'est qui celui-là, mon fils, je
n'en sais rien papa...»
À travers le regard innocent et angoissé, spirituel et sensuel d'un
enfant qui vit la tentative missionnaire de l'effacement de la société
ancestrale au profit du système colonial, nous voyons la réalité d'un pays
pris entre le culte du passé et la volonté d'entrer définitivement dans le
XIXe siècle, sans rien perdre de son identité première.
Suivant le rythme et les formes narratives de la tradition orale africaine
- mais avec quel art réaliste et magique de l'écriture ! - Donato
Ndongo, le plus grand écrivain de la jeune littérature équatorio-guinéenne,
nous offre un roman à la fois saisissant et émouvant, profondément
enraciné dans une enfance noire et dans le coeur de toute enfance.