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Dans le sens où ils inscrivent et problématisent une aventure individuelle
dans un devenir historique les romans très divers sur lesquels
se sont penchés les co-auteurs de cet ouvrage sont bien des romans
historiques, mais la perspective qu'ils ont retenue n'est pas à proprement
parler celle du genre. Elle est, plus largement, celle d'une
confrontation entre écriture romanesque et écriture historique. Un
thème a été proposé aux critiques contribuant à cette réflexion : celui
de la marge. Dans le roman historique, entre roman et histoire, où est
la marge, et où est le centre ? Ou, si l'on préfère, entre écriture romanesque
et écriture historique, quelle forme commande à l'autre, et
comment ? À la mesure de la question posée, les réponses sont complexes
et les domaines parfois se chevauchent. Cependant, dans la
tension entre ces deux grands régimes de récit, deux tendances se distinguent
qui voient les pôles eux-mêmes, significativement, s'inverser.
Le «roman historique» semble d'abord s'installer dans la marge de
l'histoire qui occupe, elle, le centre. Il s'accorde à elle, se glisse dans
ses interstices, la prolonge sur un autre mode qui n'est pas celui de la
subordination, mais de la concordance, ou de la consonance. Mais
bientôt, par rapport à l'histoire établie, le roman se fait critique, propose
un autre système de valeurs, ou une autre manière d'appréhender
le réel. Il assume alors la spécificité de sa vision, se place au
centre, refoule l'histoire, sous forme de notes ou de documents, aux
marges de la fiction. Il arrive même qu'il se joue des données les plus
sûres de l'historiographie, et se mette à réécrire, par jeu, mais aussi
«pour voir», une autre histoire. Faute de pouvoir se débarrasser de
l'histoire, il lui importe alors de la rejouer, mais dans la dissonance.