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Que penser du roman d'aventures aujourd'hui ? Faut-il encore et toujours
le considérer comme un genre mineur, inférieur, voire destiné aux
adolescents ? Peut-on au contraire le placer au coeur du champ romanesque,
dans la mesure où l'aventure serait - comme l'écrivait Jean-Yves
Tadié il y a vingt ans - «l'essence même de la fiction» (Le Roman
d'aventures) ?
S'il est souvent oublié par les études universitaires, c'est parce qu'il
semble se situer aux confins, dans une zone de frontière entre littéraire
et paralittéraire. Ce déclassement est-il inévitable, est-il dû seulement à
certains de ses constituants (passions élémentaires, désordres de la
nature, coïncidences fortuites) et à son dessein de réenchanter le monde
sous le signe de l'épreuve, du danger, afin de faire de la lecture le parti
pris d'une illusion librement acceptée ?
En fait, comme le note Henry James à propos de Stevenson, le roman
d'aventures construit bien un tableau complet du réel, il offre un imaginaire
spécifique, et son approche des êtres et des lieux n'a pas d'équivalent
dans le roman réaliste.
Peut-on alors parler d'une catégorie littéraire nommée «roman d'aventures»
? Quelles en seraient les marques génériques ? Se définit-elle uniquement
par la célébration d'espaces inconnus, périlleux, d'un mode de
vie «hors des normes» et d'un héros qui se singularise moins par des
traits de caractère que par son aptitude à surmonter des épreuves, à parcourir
des territoires, à agir sur des événements ?
Il nous paraît nécessaire d'envisager, dans la perspective de la littérature
générale et comparée, une réflexion théorique sur les poétiques du
roman d'aventures, afin d'examiner la façon dont l'aventure s'inscrit
dans des formes littéraires. Selon Jacques Rivière, «L'aventure, c'est la
forme de l'oeuvre plutôt que sa matière». N'oublions pas que beaucoup
de ces récits sont l'histoire d'un héros racontée par un narrateur témoin,
qui reste, sur le plan de l'action, légèrement en retrait, mais qui est totalement
engagé dans l'écrit.