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Ecrire et dessiner : c'est l'une des oppositions majeures de
notre culture. L'écriture, régie par le code linguistique, combine
des signes arbitraires ; l'image dessinée, réplique visuelle, met
en oeuvre des signes analogiques. Pourtant, l'une et l'autre ont
la même visée représentative et procèdent d'une même pulsion.
L'écriture typographique accrédite le sens par la neutralisation
du corps de la lettre, et l'image, pareillement, renvoie à son
objet par transparence mimétique : toutes deux fonctionnent
par l'effacement de leur propre substance, par le refoulement de
la pulsion graphique, et par une illusion référentielle.
On dit de la peinture qu'elle est littéraire et de la littérature
qu'elle est réaliste quand elles répondent pleinement à leur
vocation représentative. Cela signifie qu'elles se renvoient l'une
à l'autre, par alibi mutuel, comme en un jeu de miroirs, la
présomption d'une référence objective. L'écrivain dépeint des
tableaux, et le peintre confère aux apparences un sens intelligible.
Ainsi fonctionne l'effet du réel.
Or, il existe des créations intermédiaires, transversales, irrespectueuses
de la partition entre le figural et le scriptural, qui ne
se laissent donc enrôler ni par le code alphabétique, ni par
l'ordre mimétique, ni par le musée, ni par le livre. Ces oeuvres
réfractaires à nos catégories, qui opacifient et exaltent le corps
du signe, nous offrent une contre-perspective critique sur le
stratagème de la représentation et sur nos références ontologiques.
Le présent ouvrage vise à faire ressortir la portée culturellement
contestatrice de ce registre d'expression trop longtemps
dévolu à la pathologie mentale.