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La passion du complot relève, à l'évidence, d'une pathologie singulière :
c'est une passion d'autant plus violente que la cause est presque perdue
d'avance. Magnifiques espions, fantasmes insondables... pour une réalité
souvent pitoyable. La vision - qui laisse bruisser toute sorte de frisson et
semble autoriser une frénésie inavouable pour les turpitudes politiques de la
société des Princes - est, certes, tentante. Las ! Gardons-nous de ce parfum
de mystère qui enivre...
L'association des notions d'espionnage et de diplomatie pourrait paraître
telle une monstruosité historique mettant en regard l'espion, sans nom
et sans visage, infâme ou honorable, et l'ambassadeur, paré d'un luxe
imposant le respect dû à son Prince, semblant s'attarder à une gesticulation
inutile. Pourtant, c'est bien cette confrontation qui a été posée comme
préambule à la réflexion, telle la source fertile d'où devait sourdre une
meilleure connaissance de l'organisation tentaculaire et sombre des relais
de renseignement espagnols. L'essor du renseignement - ou des politiques
d'information -, loin d'être le simple caprice du Prince omniscient, est
consubstantiel au développement des monarchies modernes : il accompagne
autant la construction - voire l'hypertrophie - administrative de l'État
autoritaire que l'orientation des politiques nationales. Si le renseignement,
en soi, ne constitue guère une finalité mais plutôt l'instrument nécessaire à
la mise en oeuvre d'un programme politique, l'histoire de ses rouages alors
éclaire l'ambition de toute action politique.
D'un renseignement auxiliaire du gouvernement en exercice à un espionnage
caution d'une raison d'État à l'oeuvre, ce sont les rapports ambigus entre
pouvoir et renseignement qu'interroge l'historien, écornant incontinent la
mythologie grossière et fantasmatique de l'espionnage.