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La littérature n'est pas toujours le miroir romancé de l'Histoire. L'invective placée par
Corneille dans la bouche de Camille (Horace, 1640, acte IV, scène 5, v. 1301) transforme
une tragédie sentimentale en une pièce politique. À travers la figure du roi de
Rome, accordant sa grâce au meurtrier, Corneille défendait le pouvoir absolu du
souverain face aux rivalités féodales. Dans le même moment, le pape Urbain VIII
(1624-1644) incarnait dans son domaine une forme de centralisation romaine jusque
dans les arts et les lettres.
Ce parallèle chronologique s'élève au-dessus du moment même. Un territoire, une
institution, une autorité, des méthodes d'exercice, tels sont les thèmes qui gouvernent
le face-à-face entre le Vicaire du Christ, souverain pontife, et empires, royaumes ou
états-nations. Toute autorité relève de méthodes. Toutes les méthodes s'inspirent d'une
légitimité. Le Saint-Siège jusqu'en 1870 s'affirme sur un territoire à la fois terrestre et
ecclésiologique : les États pontificaux ; l'Église et ses privilèges territoriaux. La crise de
l'assise romaine du pouvoir pontifical, résolue en 1929, ne change guère la donne. Le
pape gouverne un patrimoine à double face : la Cité terrestre et la figure de la Cité de
Dieu. Sa personne est une délégation sacramentelle. Elle est donc symbolique.
L'institution relève d'une autorité dogmatique, qui engage une histoire de l'Église.
L'autorité se trouve nécessairement au carrefour de la tradition du passé et du futur de
cette tradition.
Telles sont les grandes lignes abordées dans ce colloque au travers de l'histoire longue
pour considérer les grands points de l'antagonisme qui ont sécrété progressivement au
cours des siècles, avec des oscillations significatives, ce que l'on appelle communément
l'antiromanisme, ou, pour reprendre l'expression célèbre et subtile de Urs von
Balthazar, le complexe antiromain.