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À la fin du XIXe siècle et au début du XXe, la majorité des responsables
politiques souhaitent transformer les colonies françaises en
territoires sûrs et prospères vers lesquels convergeront hommes
et capitaux. L'avenir semble radieux, celui de la République impériale
aussi ; les réalités le sont moins. Soldats, fonctionnaires et
colons meurent en masse au cours de désastres qui n'étonnent
guère les médecins. Ces derniers savent l'insalubrité du climat, la
corruption des sols et des eaux, la virulence des maladies tropicales
qu'aggravent la précipitation des gouvernements et le conservatisme
de la hiérarchie militaire. Guérir ? Eu égard aux moyens
de l'époque, la réalisation de cet objectif est très incertaine. Il faut
donc prévenir de toute urgence pour assurer la sécurité sanitaire
des Français expatriés et les «faire vivre» aux colonies.
Des praticiens nombreux et célèbres se mobilisent pour relever
ces défis grâce au développement d'une hygiène exotique
conçue comme une science pratique et totale. Leurs prescriptions
s'étendent à tous les registres de la vie : sexualité interraciale et
conjugale, organisation d'une journée type adaptée aux variations
de température, alimentation et boisson, vêtements et couvre-chefs,
villes et maisons coloniales, division raciale du travail entre
Blancs et «indigènes». De même, sont ainsi justifiés le travail
forcé imposé aux autochtones et le maintien de l'esclavage domestique
dans l'Afrique française, malgré les protestations de Victor
Schoelcher au Sénat en 1880.
S'appuyant sur des sources nombreuses et parfois négligées
- traités, manuels, romans... -, Olivier Le Cour Grandmaison
reconstruit cette histoire complexe avec finesse en analysant les
enjeux multiples liés à ces questions.