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Le langage est venu à l'homme, c'est un fait. Comment ? Cela reste
en grande partie un mystère. Cette question, longtemps abordée
essentiellement sous l'angle théologique ou philosophique, a été placée
à l'ordre du jour scientifique à partir des années 1980.
L'apparition pleine et entière de la faculté de langage au sein de notre
espèce a requis d'assez lourdes conditions biologiques qui ne furent certainement
pas réunies d'un seul coup. Il semble donc qu'il faille privilégier
l'hypothèse de son développement progressif le long de la lignée
humaine. Mais comment documenter et construire ce récit, puisque le
langage ne fossilise pas ? La science répond par le croisement des archives
paléontologiques et archéologiques, permettant de retracer l'émergence
- loin d'être simultanée - des trois dimensions de la modernité
de l'homme : biologique, culturelle et linguistique.
De cette hypothèse découle une conséquence majeure : les ancêtres
communs à Homo sapiens et aux primates non humains - à commencer
par le chimpanzé - ont forcément détenu le germe, puis l'embryon
de la faculté de langage. C'est lorsque ces êtres ont franchi l'étape du
signal découplé, abattant la barrière de l'ici et maintenant, parvenant à
communiquer sur des choses qu'ils n'avaient pas sous les yeux, qu'un
système de communication animal parmi d'autres s'est commué en
précurseur du langage humain.
L'objet de cet ouvrage est de présenter l'histoire du questionnement
sur les origines du langage et l'état actuel des connaissances
à ce sujet. Une épopée qui conduit à interroger l'usage
ordinaire que nous faisons de plusieurs concepts, au premier chef
ceux de pensée et de symbolisme, et à renouveler l'approche traditionnelle
de cette question par les sciences humaines.