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Appolina : Il n'est pas encore descendu du train ?
Zeb : Il se prépare, m'ame.
Appolina : Très bien. Mettez-lui son violon à côté de sa chaise au cas où il lui prendrait l'envie de jouer tout à l'heure.
Zeb : Sauf une petite difficulté, m'ame...
Appolina : Quoi encore ?
Zeb : Les cordes. Y a plus qu'une.
Appolina : Où sont les autres ?
Zeb : Faut bien tenir les choses, m'ame... Sur le rideau de cuisine j'avais dit qu'il avait besoin d'un bout de rallonge pour rester debout. Et la lampe électrique non plus, on pouvait ne pas rester comme ça à la regarder choir. Et pour la cordelière à linge aussi y fallait une intervention. Sauf quoi c'était la déconfiture.
Appolina : Je ne vous écoute plus.
Zeb : Y a des priorités, m'ame. La culture, ce n'est pas une priorité.
Appolina : Quelquefois vous avez des mots trop grands pour votre tête étroite, Zebulon.
Les grands mots font les grands mensonges.
On croirait entendre un ministre. Les cordes du violon de mon fils, ce n'est pas de la culture, ce n'est pas de la nostalgie non plus.
C'est de l'espérance.
Appolina, vieille aristocrate décatie, fait rejouer à son domestique Zeb la scène de la visite de son grand fils, Konstantin Konstantinovitch, parti pour toujours. Dans le vertigineux jeu de miroirs qui s'invente, le vieux couple ébauche un pas de deux, clownesque et métaphysique, où les cris des trains déchirant le lointain interrogent la présence et l'absence, l'amour absolu des mères, l'espérance logée au cœur de la tragédie humaine.
