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Le manager : Bien. Je disais donc qu'on a un backlog énorme et qu'il va falloir trouver des solutions.
Marc : Comme embaucher plus de monde par exemple ?
Le manager : Marc, tu sais ce que je pense de ça.
Marc : C'est-à-dire ?
Le manager : Que c'est la solution. Mais qu'on n'a pas le luxe de se l'offrir en ce moment. Merci de ne pas remuer le couteau dans la plaie à l'avenir.
Marc : On n'en finira jamais. Chaque fin de journée c'est pareil, on sait qu'on va devoir recommencer le lendemain parce qu'entre-temps le nombre de contenus signalés aura presque doublé.
Le manager : En même temps, c'est un peu le principe du travail de tout recommencer le lendemain, non ? Allez Marc, on garde la pêche. Ce que je vous demande, c'est d'être particulièrement concentrés, en attendant qu'ils nous envoient des renforts.
Alexa : Je ne vois pas comment on pourrait aller plus vite.
Le manager : Si si, moi je vois très bien. J'ai reçu le bilan de la semaine dernière et je ne vais pas citer de noms, mais il y en a qui semblent traverser un petit ventre mou dans leurs scores de modération. Il faut se ressaisir et tout ira bien.
Marc : Facile à dire.
Quelque chose s'est brisé dans la mécanique bien huilée de la vie d'Alexa, modératrice de contenus pour un grand réseau social dont le fondateur semble visiblement dépassé par son succès.
Comment tenter d'expliquer qu'elle en arrive à cacher la nature de son travail à son nouveau compagnon et à virer elle- même dans une violence irrépressible ?
A travers des témoignages recueillis discrètement auprès des collègues d'Alexa, une journaliste accède - et nous permet indirectement d'accéder - à un monde confidentiel où l'exposition aux pires images de notre monde déforme les contours de l'acceptable, sur les écrans comme dans les pratiques de travail.
