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Sandrine : Je sais que nous ne nous connaissons pas vraiment mais voilà, je me marie en mars et je voulais te convier à la fête en fin de journée. C'est bientôt fini pour moi - une nouvelle vie commence ! - parce que tu sais à la fin des fêtes mon contrat ne sera pas renouvelé, et je voulais connaître ton adresse pour t'envoyer le faire-part par la poste. Etienne comment déjà ?
Etienne : Je prononçais mon nom devant toi et c'est comme si chacune des syllabes de mon nom formait un nouveau plan dans ma tête, Sandrine, comme si chaque lettre dessinait les traits clairs d'un nouveau chemin que j'allais suivre dès l'instant où je te quitterais. Pour moi aussi une nouvelle vie commence... et l'ancienne mourra quand je t'aurai tout raconté.
Quand je t'aurai tout dit, je m'installerai dans ce carton, m'y enfermerai avec du scotch transparent et, comme n'importe quel autre carton de l'entrepôt, je patienterai là, à attendre que quelqu'un me réclame.
24 décembre 2018. Etienne A., 31 ans, termine son service de nuit à l'entrepôt Amazon de Saran, rentre chez lui dans sa Citroën ZX Tonie et, comme tous les jours quand il s'endort, rêve de cartons à expédier.
Son père a un problème à la hanche. Son ex-femme travaille chez Patàpain. Son fils joue à cache-cache sous la plateforme de la voie d'essai de l'aérotrain. Et, en cette nuit de Noël, alors qu'ailleurs on termine la bûche et on ouvre ses cadeaux, Etienne A. s'offre, pour la première fois, l'occasion de rêver sa vie autrement : il entre dans un carton de l'entrepôt, s'y enferme et attend d'être expédié ailleurs.
Portrait poétique d'un homme ordinaire, Etienne A. donne la parole à un invisible de nos sociétés, condamné à accepter ce qu'on lui impose, à se taire et à continuer malgré tout. Au milieu des colis, Etienne cherche sa place.
