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«J'ai été trop magnanime pour cet assassin [Petlioura], sous
le commandement duquel ont été exterminés des milliers, des
dizaines de milliers de Juifs, des enfants à la mamelle et des vieillards
à cheveux blancs, des hommes et des femmes, sous les
ordres duquel des bandes ont violé, pillé, extorqué, incendié. [...] Ils
ont ménagé les balles : "Les Youpins ne sont pas dignes des balles,
il faut les égorger au sabre" : ainsi l'ordonnaient les atamans-bandits.
[...] Enfin, j'ai pu - et j'en suis très heureux - rendre, en
soldat fidèle, un service à mon peuple si pauvre, délaissé et
opprimé. J'ai ouvert un nouveau chapitre dans notre sombre et sanglante
histoire millénaire.» Ainsi s'exprimait Samuel (Schalom)
Schwartzbard, depuis la prison de la Santé, après avoir tué, à Paris
où ils étaient tous deux exilés en 1926, Simon Petlioura. Ce dernier,
militaire issu d'une famille de Cosaques, principal responsable du
Directoire de l'Ukraine indépendante, socialiste nationaliste que
l'on disait judéophile à l'occasion, pactisa avec des corps d'armée
majoritairement et férocement antisémites, soutenus par une part
importante et active de la société. Il accepta, recouvrit de son prestige
politique, entretint et encouragea les massacres expansifs
dans l'Ukraine, au plus haut point durant les années 1919-1920.
S. Schwartzbard, militant révolutionnaire communisant et libertaire,
ancien partisan, avait choisi de se consacrer à la défense des émigrants
et des victimes de pogromes. Son procès eut lieu en 1927.
L'avocat Henry Torrès assura sa défense. Il obtint son acquittement
au nom du droit des peuples à l'autodéfense et à la justice exercée
en temps de guerre - droits reconnus ainsi au peuple juif au même
titre qu'aux citoyens de tout État. La tribune qui devenait le «procès
des pogromes» contribua à ce que soient admise l'effectivité
de ces meurtres de masses en Europe orientale. - Par la présente
réédition reparaît, d'échos en témoignages, leur horrible tragédie,
souvent oubliée, minorée ou déniée aujourd'hui encore.