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Les oeuvres peintes tentent l'écriture. C'est quelles ouvrent des failles diaboliques dans la quiétude du symbolique. Elles troublent ce qui fait monde - si « monde » veut dire : articulation des représentations qu'en donnent nos langages. Elles disent qu'il y a quelque chose que le monde ne peut encadrer, qu'il ne peut voir en peinture ; que cette chose tient au réel, à l'expérience que nous en faisons ; et que cela, qui manque au monde, est précisément ce dont le charme pervers des oeuvres d'art est le signe, le signal, l'énigmatique poteau désindicateur.
Peinture comme poésie : tel est le mot d'ordre que le lecteur trouvera richement décliné au fil de ces quelques cinquante essais écrits entre 1974 et aujourd'hui, et consacrés notamment au mouvement Supports/Surfaces, à certains phénomènes de la peinture ancienne revus par l'oeil moderne, à quelques-uns des plus grands noms du siècle dernier et à d'autres disciplines artistiques, telles la gravure et la photographie.
En effet, ce qui unit en profondeur des analyses aux objets si divers, c'est cette expérience primordiale qui fonde aux yeux de Christian Prigent une certaine identité de la poésie et de la peinture : celle d'un désarroi de la représentation, dans lequel la moindre forme se désigne elle-même comme insuffisante en regard d'un réel informe. Or cette expérience n'est pas uniquement un constat critique, elle est le fondement même de l'écriture. Ainsi ces essais sur la peinture révèlent-ils le questionnement central d'un écrivain pour qui, non moins que peinture et poésie, poésie et critique sont intimement liés.
