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Béatrice : Notes pour
roman. - 18 mars.
Je suis à peine entrée dans la
maison que déjà j'ai l'impression
de - comment dire - de soulever
la poussière.
Comme si l'air, en entrant par la
porte de la maison, avait défait
une sorte d'ordre.
De logique - imprimée dans le
temps.
C'est bizarre. Je ne me sens pas
vraiment mal.
C'est plutôt - une impression.
Comme si j'avais réveillé le
silence.
...
J'ai installé la machine à écrire
près de la fenêtre.
D'ici - de la maison - on voit très
bien l'épave.
Le point de vue est parfait.
Il y a un drôle d'arbre sur la
falaise. Je crois que c'est un
arbre à fruits.
C'est étrange. Un si petit arbre,
avec ce vent - Il est minuscule, presque tout
tordu.
Ce doit être à cause du sel.
...
Demain, je vais descendre
jusqu'à l'épave.
Je veux la voir de près.
Mais ce soir, je n'écris pas.
Je vais défaire mon sac de
couchage - et peut-être me faire
du thé.
C'est tout.
Une carcasse de bateau - immense,
métallique - accrochée à un cap
entouré de glaciers. Rongée par la
rouille et le sel, l'épave respire au
rythme du fracas des vagues qui s'y
brisent.
Non loin de là, un îlot abrite une vieille
maison abandonnée, pleine de
souvenirs d'enfance.
Des ingénieurs s'affairent autour de
l'épave, qui doit être dynamitée.
Pourtant, dans le ventre froid et
humide de ce lieu habité par on ne sait
quels fantômes, un murmure : celui
d'un homme qui, recraché par la mer,
devra reconstruire sa mémoire
dissoute.