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René Barrère, 65 ans, baron d'industrie bien connu des milieux politiques, est en phase terminale d'un cancer au cerveau. Dans sa luxueuse résidence, il convoque ses « vieilles mouettes », Henri, Victor et Léonard, eux aussi patrons puissants d'entreprises cotées en Bourse, ses plus anciens et fidèles amis.
Alternant des moments de lucidité foudroyante sur le monde de la finance et de la géopolitique avec des délires ubuesques et paranoïaques sur la société et sur sa propre vie, René s'enferme peu à peu dans sa chambre-bureau avant de rendre l'âme.
Les préoccupations matérialistes des « vieilles mouettes » reprennent alors le dessus : nous sommes lundi matin, les marchés boursiers ouvrent... Que faire ? Annoncer le décès de René, entraînant alors dans son sillage un plongeon de l'action Barrère ? Donner un communiqué rassurant, et surtout ne pas compromettre la vente d'armement à un grand pays asiatique au bord du chaos, pour laquelle le contrat doit être signé aujourd'hui ?
Les enjeux dramatiques sont posés. A travers des dialogues cocasses et vifs aux non-dits assourdissants, le cheminement des hommes et de leurs intérêts suit son cours...
René Barrère : Mes amis, mes pauvres amis, nous voilà donc tous réunis, mes tendres et chères vieilles mouettes, mes défunts souvenirs ! Rassurez-vous, je n'ai pas l'intention de vous accabler d'un discours solennel et fastidieux, il y a des hommes politiques pour ça, n'est-ce pas mon cher Lucien... Non, je tenais à vous revoir, tous les trois, pour vous dire le bonheur que j'ai eu à vous fréquenter, à travailler avec vous, durant plus de quarante ans, vous, mes fidèles d'entre les fidèles, les piliers du monde moderne que nous avons bâti, ensemble, entreprise après entreprise, ne reculant devant aucune audace et quel qu'en soit le prix... Je tenais à vous revoir, oui, pour mesurer à quel point l'amitié est précieuse en ces temps de crise et de chaos, en ces heures de combat pour la dignité de nos sociétés et la sauvegarde fondamentale de nos valeurs...
L'éternité, puissante et silencieuse, multiplie ses fructueuses OPA sur nos destinées impétueuses et nos empires de sueurs et de larmes. Nous construisons des édifices que nous n'habiterons jamais tout à fait, ni même nos enfants ou nos petits-enfants, mais les générations futures d'enfants inconcevables, encore inimaginables, portés par des femmes encore à l'état d'atome, quelque part dans le vaste univers... Je suis un entrepreneur du temps, vous le savez, mesurant le réel à grandes enjambées de chiffres et de mots... Ensemble, nous continuerons à grandir, car tout devient possible, à repousser les limites de l'humanité immortelle !...
