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Pour apporter notre contribution au grand projet de retour, chaque week-end nous aidions notre père dans son commerce ambulant.
Cinq heures du matin, les yeux embués, qu'il pleuve, qu'il vente, qu'il neige, nous déballions sur les marchés. « Commerçant ambulant », c'est comme ça qu'on disait.
Après avoir accompagné mon père la matinée durant, nous retournions à nos occupations de gosses et ma mère reprenait son statut officiel de femme au foyer. Elle « tuait l'ennui » à coup de tâches ménagères inhérentes à la vie d'une grande famille.
N'ayant jamais appris à lire, elle se retrouvait bien impuissante face aux devoirs. Elle se contentait donc de consulter nos maîtresses et de nous coller une trempe à la moindre irrégularité.
Elle aurait tellement voulu apprendre à écrire qu'elle était prête à tout pour qu'on ne rate pas notre chance. C'était sa façon à elle de nous témoigner son amour. Un amour rapide et efficace, comme un jet de claquette entre les deux yeux ou un coup de martinet sur les fesses. Pratique et léger, ce dernier avait d'ailleurs le plus souvent la préférence de ma mère.
Quelles que soient les causes de son exil, chaque expatrié garde au fond du coeur l'amour du pays où dorment ses racines.
Ainsi, dans les années 80, après deux décades passées en France, la plupart des immigrés maghrébins rêvent de construire « la maison au pays » en vue d'un hypothétique retour.
Un retour aux sources pour les adultes, mais un voyage en terre inconnue pour les enfants nés dans le « pays des droits de l'homme » où se sont forgés leurs plus beaux souvenirs malgré des conditions d'accueil pas toujours évidentes. Une France intime et généreuse qu'il est de bon ton de renier, du moins en apparence, comme un amour caché, inavouable.
Sous la forme d'un récit croisé et chanté. Si loin si proche raconte, avec humour et émotion, les mésaventures familiales d'un retour au pays, à la fois festif et compliqué, à l'occasion du mariage du fils aîné.