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Le mythe de l'art antique
De la peinture antique, qui fut certainement d'une grande richesse, nous
ne conservons que de rares traces matérielles. Mais ces chefs-d'oeuvre
disparus ont subsisté à travers des textes qui les décrivent et nous
racontent, à leur propos, des anecdotes, mythes et récits que la tradition a fini
par transformer en lieux communs : l'artiste tombant amoureux de son modèle,
le jeune homme préférant la statue à la femme de chair, le peintre se livrant à la
torture pour mieux représenter la douleur, des raisins si parfaitement imités que
les oiseaux viennent les picorer.
C'est par la médiation de ces discours et de ces narrations que l'art antique
a irrigué tout l'art occidental, dans sa pratique comme dans sa conception. Sans
cesse repensés et reformulés, ces récits fondateurs ont offert à chaque auteur
l'occasion d'exprimer sa vision singulière et se sont finalement traduits par
autant d'interprétations originales.
Quelle a pu être l'influence de ces lieux communs sur les théories
artistiques de l'âge moderne et contemporain ? Ont-ils contribué à alimenter,
enrichir et populariser les discours théoriques, ou au contraire à les mettre en
défaut, à les entraver ou à s'y substituer ? Par quelles médiations - rhétorique,
philosophique, académique - cet ascendant des lieux communs s'est-il exercé ?
Quel rôle ont-ils joué dans la pratique des artistes, notamment dans le choix
et le traitement des sujets ? Par quel processus artistique s'accomplit la
transposition fictionnelle du lieu commun ? Par quels indices peut-on identifier
sa présence subliminale dans une oeuvre ? Voilà l'enquête à laquelle nous
convie cet ouvrage qui revisite magistralement l'histoire de l'art à la lumière
de ses origines narratives.