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Les nouveaux pouvoirs
Alors que l'accent est mis sur les phénomènes de mutation du droit et sur les difficultés
pour délimiter ses frontières, à l'heure où apparaissent de nouveaux modes de
régulation juridique et où se multiplient les recherches relatives aux sources du droit et à
ses textures, une autre question se pose : celle des forces qui concourent à l'élaboration
du droit et que Ripert qualifiait de créatrices. Il ne s'agit plus ici de s'interroger sur la
nature des règles juridiques, mais plutôt de déterminer quels sont les foyers de production
du droit. Qui crée vraiment le droit ? Qui est réellement à l'origine du droit ? C'est à cette
question que tente de répondre l'étude des nouveaux pouvoirs. Par-delà les traditionnelles
figures créatrices de droit que représentent le législateur et le juge, d'autres se laissent
entrevoir. Le droit ne s'élabore plus seulement dans la sphère étatique, il est aussi le
fruit de nouvelles formes de pouvoir détenues par toutes sortes d'acteurs. Les nouveaux
pouvoirs sont ceux qui rivalisent avec l'ordre étatique. Ils mettent en cause l'hégémonie
de ce dernier, hégémonie consacrée par le monisme et qui constitue sans doute encore
un tropisme très présent dans l'imaginaire juridique. Ainsi, les nouveaux pouvoirs révèlent
qu'une reconfiguration est à l'oeuvre dans le champ juridique. Multiples, ces nouveaux
pouvoirs ne sauraient être tous recensés. Néanmoins, il semble possible de les répartir en
fonction de l'intensité de leur rôle. Certains semblent véritablement concurrencer l'ordre
étatique, au point de le dominer ou de s'en détacher. C'est par exemple le cas de l'ordre
juridique européen, de l'ordre juridique sportif, du Web ou encore des multinationales
qui s'érigent en véritable alter-ego voire en censeurs de l'ordre juridique interne. D'autres
paraissent simplement l'influencer, leur action se situant en amont de la création du
droit. C'est notamment le cas des lobbies et des think tank, des agences de notation, des
universitaires ou encore de l'Église.