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Sanine
Sanine, premier roman d'un inconnu, publié en 1907, fut aussitôt interdit pour
cause d'érotisme, d'anarchisme, de nihilisme... Le terme de « saninisme » apparut
même pour désigner une maladie mentale, incitant à la léthargie et à l'obsession
sexuelle. Il fallut toutefois attendre 1994 pour que ce roman soit réédité à Moscou.
Son auteur, Mikhaïl Pétrovitch Artsybachev (1878-1927). né dans un village ukrainien proche de Kharkov, dépeint avec force détails sensuels la nature exubérante de la « petite Russie ». Dobroslavovka, le nom de son village natal, signifiant
« Bienveillante Petite Slave », pourrait être le surnom des héroïnes du roman, qui
sont toutes débordantes de sensualité, aimées et aimantes, sortes de naïades,
de sirènes, de fées ou d'esprits sylvestres de la mythologie païenne slave toujours
vivace.
Artsybachev, qui était également un peintre de talent, mythifie les corps des
femmes ainsi que la nature généreuse de sa terre natale, évoquant les merveilleux
tableaux du peintre Ivan Bilibine, l'illustrateur inégalé des contes et légendes
russes.
Le héros de ce roman est un personnage hors normes, nietzschéen, invitant au
renversement de toutes les valeurs établies, avec une ironie qui fait sortir de leurs
gonds les conformistes, les censeurs et les « hypocrites lecteurs » et qui ravit
donc tous les amoureux des paroles qui ne sont pas du simulacre. Car il parle
de jouissance, essentiellement, de manière bucolique et poétique, au-delà de
toute contrainte religieuse ou morale. Ce Sanine est une intarissable source de
vitalité, un élan qui donne envie de vivre au plus près de ses désirs, en dépit de
tous les fâcheux, comme un « sacre du printemps ».