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Lucifer au chômage
précédé de
Moi d'un côté et moi de l'autre côté de mon bichon poêle en fonte
Les premières oeuvres narratives d'Alexander Wat sont parmi les textes les plus intéressants artistiquement
et intellectuellement parlant de la littérature polonaise de l'entre-deux-guerres. Sa première
publication, Moi d'un côté et Moi de l'autre côté de mon bichon poêle en fonte, en 1920,
est considérée comme emblématique du futurisme.
« J'ai écrit le Poêle, note Wat, au cours de quatre ou cinq transes, en janvier 1919, avec 39-40°
de fièvre, puis lors de nuits d'hiver, retour de soirées tsiganes excentriques, près de mon poêle
en fonte. Je me suis mis en état de transe pour " libérer mes sorcières ". En drôle de Faust varsovien,
à dix-huit ans, je me suis insurgé contre les livres, contre des années de vie dans les livres, je
voulus " vivre ". Quelques années avant André Breton, mais sous la même inspiration freudienne,
je suis arrivé à une " écriture automatique " que j'ai appelée l'auto-instantanée. »
Surtout connu en France pour son monumental Mon Siècle, livre d'un poète sur la politique, un
livre qui met aux prises deux principes qui se combattent dans l'homme, celui de la parole poétique
et celui du pragmatisme grégaire, Alexandre Wat est aussi l'auteur de proses narratives dont le
volume de nouvelles intitulé Lucifer au chômage. Du point de vue du style, de la technique du
récit ou de la composition, ces oeuvres fantastiques (la destruction des tours de la finance à New
York décrite en 1920 avant qu'elles ne soient effectivement construites) semblent s'opposer entre
elles. Et pourtant, il s'y manifeste une étonnante continuité de thèmes, de motifs et de questions :
que sont la civilisation et l'histoire, qu'est-ce qui est réalité et qu'est-ce qui est illusion ? Où y a-
t-il de la substance, et qu'est-ce qui est vide ? Et surtout : unde malum ? D'où vient le mal ? Lucifer
est au chômage depuis que l'humanité s'est chargée du mal.