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En 1969, Gérard Guégan crée avec Gérard
Lebovici, célèbre impresario qui sera assassiné
en 1984, les éditions Champ Libre.
Montagne-Sainte-Geneviève, côté cour
poursuit et clôt la chronique de cette
aventure humaine singulière, dont Cité
Champagne, paru en 2006, racontait
comme un roman les trois premières années. C'est donc, en deux volumes,
l'épopée des lendemains de 68, l'histoire vive, personnelle, des passions et
des désirs dans un temps où «l'affectivité réglait les montres», où amitié,
amour et politique allaient ensemble, où tout semblait possible.
De 1972 à 1974, année qui voit la mort de Pompidou et la victoire de
Giscard sur Mitterrand, Champ Libre, désormais installé rue de la
Montagne-Sainte-Geneviève, multiplie les projets. Tandis que Le Saux,
directeur artistique, continue d'attenter au bon goût, que l'inénarrable
Pétris cultive le scandale en traduisant à tour de bras Boulgakov,
Chklovski, James et Spinrad, Raphaël Sorin joue les rabatteurs et se
heurte non sans drôlerie à Floriana Lebovici, en charge de la presse. On
discute de cinéma comme de littérature, de l'art de la guerre comme de
la sexualité sans entraves, de Léo Ferré comme des Doors. On côtoie
Manchette, Vaneigem, Boudard, Sangla, de Roux, Thirion, Burroughs,
Herbart, Khayati, Schuhl ou Warhol. Et si, avec Guégan, on fait la
chasse à un ancien colonel SS, on manque, avec Lebovici, de se faire
abattre par un braqueur intempestif...
Hélas ! l'argent d'abord, puis les non-dits, les mésalliances vont irrémédiablement
sonner le glas de l'utopie. Deux clans se sont formés qui
s'opposent de plus en plus : les moujiks (Guégan, Le Saux, Sorin,
Guiomar, etc.) et les koulaks (les Lebovici, au-dessus desquels plane
l'éminence grise Debord, surnommé... «Tout-à-l'ego»). Si bien qu'en
novembre 74, une époque, celle des complicités créatrices, s'achève.