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Tout le monde sait que la mère d'un enfant est celle qui l'a
accouché. Y a-t-il rien de plus naturel et de plus universel ?
Il suffit pourtant de franchir l'Atlantique ou d'aller à
Londres pour constater que là-bas, on peut devenir mère sans
avoir accouché ni adopté.
Plus simplement, il suffit d'ouvrir le Code civil de 1804
pour découvrir que d'autres règles peuvent présider à la définition
de la filiation : à l'époque, les enfants ne naissaient pas nécessairement
du corps de leurs parents, mais de leur mariage. Or,
depuis les années 1970, toutes les possibilités d'être mère sans
accoucher sont punies systématiquement et l'accouchement, cet
acte biologique, est devenu une véritable affaire d'État. Excluant
du même coup de l'ordre de la filiation les femmes incapables de
gestation ou ménopausées, les hommes célibataires et les couples
homosexuels. Établissant surtout de nouvelles hiérarchies entre
les filiations : non plus les légitimes et les illégitimes, mais les
«vraies», qui ont pour elles les corps, et les «fausses», qui n'ont
pour elles que la volonté, comme les filiations adoptives.
Alors que l'empire du ventre triomphe et s'impose sous les
fausses évidences du droit naturel, Marcela Iacub, à partir d'un
travail d'archives neuf, prend la mesure des transformations intervenues
depuis 1804, propose une critique originale de ce que nous
prenons pour notre modernité familiale, et ouvre des voies nouvelles
à l'imagination politique dans ces domaines si intimes qu'on
en oublierait qu'ils ont une histoire, et donc un avenir.