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Le projet d'invention d'un «homme nouveau» est la
marque d'une culture politique commune aux mouvements
et régimes fascistes apparus dans l'Europe de
l'entre-deux-guerres. Souvent perçue comme l'une des
caractéristiques des idéologies totalitaires, cette volonté
d'exercer un contrôle absolu sur les individus, de transformer
les caractères et les âmes a été négligée par
beaucoup d'historiens.
Pourtant, l'intention se traduisit par de multiples
réalisations structurant le paysage politique - encadrement
de la population, invention de méthodes et d'une «pédagogie»
nouvelles, usage massif de la propagande - qui
ne furent pas seulement destinées à standardiser et
«mettre en uniforme» les individus mais à les remodeler,
sur le plan physique et moral, à partir de valeurs et
d'idéaux. Formation, éducation, rééducation, régénération,
renaissance, «rachat des âmes», palingénésie : la
multiplicité des vocables est à l'image de la diversité des
projets. Une diversité prenant sa source dans le rapport
entre modernité et tradition, dans le poids des cultures
nationales, dans la capacité de ces régimes à inscrire leur
expérience dans la durée, dans leur marge d'autonomie
sur la scène internationale.
À travers la conception de l'homme nouveau, son
allure, sa posture discrète ou encombrante, le poids
respectif des facteurs biologiques et des déterminations
culturelles, se lisent la parenté, mais aussi les singularités
irréductibles des régimes autoritaires et totalitaires apparentés
au fascisme : Italie fasciste, Allemagne national-socialiste,
Espagne franquiste, Portugal de l'Estado Novo,
État français.
Le présent ouvrage propose, pour la première fois, la
matière d'une réflexion d'histoire comparée sur une
ambition politique et sa mise en oeuvre, située au coeur
même des projets fascistes et totalitaires.