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Classiquement attribuée - à tort ou à raison - à Sieyès, la théorie du pouvoir
constituant, en permettant de penser la limitation des pouvoirs constitués, a
joué un rôle prépondérant dans la manière dont la pensée juridique française
a interprété les principes du constitutionnalisme moderne. Si cette théorie
se met clairement au service de l'exigence démocratique d'indisponibilité
de la règle du jeu constitutionnelle par les pouvoirs constitués, elle paraît
en revanche plus complexe lorsqu'il s'agit de s'y référer pour poser une
limitation juridique au pouvoir de réviser la constitution.
Certes, cette difficile question a déjà été maintes fois débattue par les juristes.
Mais un retour de la réflexion et du questionnement théorique sur la notion
de pouvoir constituant peut apparaître aujourd'hui comme une nécessité
pour tenter d'analyser les enjeux juridiques et politiques du fort complexe
processus normatif par lequel les États membres de l'Union européenne,
après avoir cherché par le traité de Rome de 2004 à établir une constitution
pour l'Europe, ont fini par adopter le traité de Lisbonne actuellement en
vigueur.
C'est dans cette perspective que s'est ainsi tenu le 12 décembre 2008
au Collège de France un colloque organisé par la chaire du professeur
Jon Elster «Rationalité et sciences sociales» du Collège de France et l'Unité
mixte de recherche 7074 du CNRS «Centre de théorie et analyse du droit».
Afin de procéder à une telle confrontation entre la théorie du pouvoir
constituant et l'épineuse question de la ratification de ces deux traités,
les contributeurs du présent ouvrage ont commencé par revenir sur certains
aspects essentiels de l'analyse philosophique, politique et historique
de la notion de pouvoir constituant en général, puis ont cherché, à la lumière
de ce concept, à mieux comprendre la nature des problèmes soulevés par
les vicissitudes de la récente «constitutionnalisation» européenne.