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Au moment où l'Europe découvre le jazz et l'art nègre, des
poètes réunis à Paris autour de Léopold Senghor, Aimé Césaire
et Léon-Gontran Damas se font «voleurs de langue» et inventent
la Négritude. Cette prise de conscience de la spécificité des
valeurs du monde noir, bientôt relayée par les romanciers et les
dramaturges, va se traduire par une floraison d'oeuvres littéraires
qui entendent à la fois réhabiliter l'image d'une Afrique
trop souvent méconnue et dénoncer un système colonial de plus
en plus contesté.
Il reviendra aux écrivains de la deuxième, puis de la troisième
génération de témoigner des désillusions consécutives aux
indépendances des années soixante, dans le temps même où ils
s'engagent dans une aventure des écritures marquée du sceau
de la dissidence. Refusant la fausse alternative entre l'allégeance
inconditionnelle aux modèles occidentaux et le
fétichisme de la tradition, les écrivains du monde noir - rejoints
depuis peu par les «écrivaines» - sont résolus à assumer leur
condition d'écrivains à part entière et manifestent désormais la
plus grande réticence à l'égard de ceux qui les sommaient,
naguère, d'être les accoucheurs de l'Histoire.
À une écriture du politique succède donc aujourd'hui une
politique de l'écriture, favorisant une véritable explosion de
récits ou de dramaturgies baroques et polyphoniques dans
lesquels fantaisie, humour et dérision semblent avoir pour
vocation d'exorciser les démons d'un continent qui n'a pas fini
de nous surprendre.