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À Paray-le-Monial, dans la seconde moitié du XVIIe siècle, une
communauté bi-confessionnelle irénique subit les assauts d'une Contre-Réforme
rigoriste dirigée par un évêque de cour et certaines familles
nobles d'origine ligueuse. L'affrontement entre ces deux modèles est
alors significatif du pouvoir d'intégration et de l'extrême fécondité
économique, sociale, philosophique et théologique du premier. En 1651,
par sa condamnation vigoureuse de la colonisation et de l'esclavage et sa
conception d'une république promotrice de liberté de conscience, de
tolérance, d'égalité en droit et d'éducation, le protestant Pierre Moreau
atteste une pensée se situant alors à la pointe des «Lumières radicales»
naissantes à Amsterdam.
Mais en 1685-1689, l'exil du cardinal de Bouillon à Paray-le-Monial
transpose sur le plan local le conflit politique opposant Louis XIV à la
Sainte Ligue constituée contre les Turcs par Innocent XI et l'empereur
Léopold 1er. En 1689, une Visitandine lance un appel au roi associant le
culte du Sacré-Coeur à la reconquête catholique de l'Europe. En 1691, le
jésuite Jean Croiset publie La dévotion au Sacré-Coeur [...] qui
amalgame le mythe de croisade à la mystique de l'amour divin des
Ligueurs du XVIe siècle et amorce un processus de fabrication d'une
sainte. Mais à la fin du siècle, l'ouvrage est mis en cause par plusieurs
auteurs bénédictins et protestants avant d'être condamné, le 11 mars
1704, par la Congrégation de l'Index.
Victime, depuis l'édit de Fontainebleau, de persécutions sélectives et
durables visant à l'exclusion de sa minorité, la petite ville perd 80 % de sa
communauté protestante. À Genève, un groupe d'une quarantaine
d'exilés s'intègre remarquablement à la ville, réalise de nouvelles
performances économiques, soutient la reconquête protestante de la
France et, entre 1734 et 1738, s'engage au front de la révolte des
contestataires républicains.