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Neuchâtel, 22 août 1533. Dans une virulente satire anticléricale,
«Sire Pantapole» en «prochain voysin du seigneur Pantagruel» s'élève
contre le commerce frauduleux des biens spirituels et ses
auteurs. C'est sous ce nom d'emprunt et sous le patronage d'un célèbre
héros rabelaisien, que le pasteur Antoine Marcourt publie pour la
première fois chez Pierre de Vingle, son Livre des Marchans. Jusqu'en
1600, l'ouvrage connaîtra plus d'une dizaine de rééditions remaniées
et augmentées, devenant certainement un des ouvrages de polémique
religieuse les plus réimprimés de l'aire francophone. Si l'argumentaire
de Marcourt devient dans une France aux prises avec les guerres de
religion une pièce maîtresse de la littérature de combat, son succès se
fait néanmoins au détriment de son auteur. Peu à peu, son nom
disparaît des pages de titre. Toutefois, cet effacement progressif de
l'auteur, s'il suppose une importance accrue donnée au contenu seul
de l'ouvrage, permet également d'interroger ce pamphlet dans sa
dynamique argumentative. C'est pourquoi, cette toute première
édition critique du Livre des Marchans d'Antoine Marcourt s'intéresse
non seulement à la fabrique d'un outil de propagande dans les
stratégies et mécanismes polémiques développés tout au long de ses
réimpressions entre 1533 et 1561. Mais elle questionne davantage
encore les raisons d'un tel succès littéraire. Dans quelle mesure une
satire anticléricale, pensée dans un contexte particulier de
renversement de l'autorité ecclésiale, vient-elle finalement servir une
Réforme en marche vers une construction confessionnelle précise
marquée par l'influence de Calvin ?