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À l'heure où la crise grecque relance la réflexion sur les formes alternatives
de la monnaie et de la financiarisation et remet en mémoire
le précédent de l'Argentine, cette ethnographie du trueque vient à point
nommé. Le terme désigne une multitude de monnaies parallèles sous
forme papier, impulsées par un groupe de militants écologistes en 1995.
Le trueque a connu son heure de gloire au plus fort de la crise argentine,
entre 2000 et 2002, avec plus de deux millions d'utilisateurs. Il
s'agit désormais de monnaies de très petite dénomination, qu'utilisent
des populations pauvres et qui circulent dans les espaces marginaux des
principales villes.
Le trueque pose à nouveaux frais la question du pluralisme monétaire,
de la diversité de ses institutions et de ses pratiques. Chacune des monnaies
qui le composent possède ses propres modes de fixation des prix,
d'émission et de distribution des moyens de paiement. Or ces monnaies
médiatisent des rapports sociaux très contrastés. Tantôt elles renforcent
les stratifications sociales existantes, tantôt elles en favorisent un nivellement
relatif.
Les monnaies ne sont donc pas nécessairement synonymes d'exploitation.
Elles tendent plutôt à traduire dans leur langage des projets politiques
potentiellement concurrents, ancrés dans les communautés politiques
que forment leurs utilisateurs. Bien au-delà du seul cas argentin,
cet essai d'anthropologie économique, reposant sur une enquête de terrain
approfondie, ouvre de nouvelles perspectives théoriques et méthodologiques,
d'une actualité brûlante.