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Peintre insaisissable, oscillant entre un naturalisme en vogue à la fin du XIXe siècle
et une peinture élégiaque aux accents symbolistes, Albert Maignan (1845-1908)
est l'un des grands noms oubliés de cette époque. Remis à l'honneur
aujourd'hui par la Fondation Taylor et le musée de Picardie qui se partagent son
héritage, il retrouve enfin la place légitime qu'il avait acquise dans le Paris fin de siècle.
Formé auprès de Jules Noël et d'Évariste Luminais, il devient dès 1867 un fidèle du
Salon des artistes français où il expose jusqu'à sa mort avec un égal succès. Récompensé
d'une première médaille en 1879, il trouve la consécration en 1888 avec Les Voix du
tocsin - oeuvre mythique qui renaît aujourd'hui après avoir été roulée depuis 1918 -,
avant de s'imposer parmi les artistes éternels du musée du Luxembourg en 1892 avec
La Mort de Carpeaux, qui lui vaut la médaille d'honneur.
Réputé pour sa peinture, qui de l'Histoire évolue vers le grand décor inspiré par ses
nombreux voyages en Italie où il découvre les peintres des XVIIe et XVIIIe siècles, Albert
Maignan lie son nom aux chantiers monumentaux de son temps. Il laisse une oeuvre
magistrale et toujours vivante : murs et plafonds peints au restaurant Le Train Bleu à la
gare de Lyon et à l'Opéra-Comique, tapisseries pour le Sénat, écoinçons pour l'Hôtel
de Ville de Paris, vitraux pour l'église Saint-Philippe-du-Roule... À la suite de l'incendie
du Bazar de la Charité, en 1897, au cours duquel périssent plus de 125 personnes parmi
les plus en vue du Paris mondain, il est invité à réaliser deux vitraux et une coupole
peinte de 90 mètres carrés pour la chapelle Notre-Dame-de-Consolation, érigée en
hommage aux victimes du drame.
Nommé en 1905 président de la Fondation Taylor, à laquelle il léguera sa maison-atelier
parisienne du 1 rue La Bruyère, Albert Maignan joue un rôle décisif dans la vie artistique
du tournant du siècle, oeuvrant avec générosité à la promotion et à la protection des artistes.
L'important fonds d'atelier, l'égué au musée de Picardie avec l'ensemble de sa collection,
de même que son journal, conservé à la Bibliothèque nationale de France, permettent
de redécouvrir la richesse et l'extraordinaire liberté de cette oeuvre - véritable allégorie
du goût du tournant du siècle -, que son épouse Louise, fille du peintre Charles-Philippe
Larivière, a livrée à la postérité en préparant, de la mort de son mari en 1908 à sa propre
mort en 1947, le travail qui reste à mener pour qu'Albert Maignan redevienne aux yeux
du public l'un des plus grands noms du XIXe siècle.