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Écrivain secret, Vincent La Soudière (1939-1993) publia très peu et
resta méconnu de son vivant. Seuls Henri Michaux et Cioran, dont
il fut l'ami, lui témoignèrent leur admiration. Le premier écrivit à
son sujet : «N'aurait-il fait qu'un livre, pour moi c'est comme s'il en
avait écrit plusieurs. [...] je sais qu'il n'écrira jamais rien de gratuit.
Ce qu'il fera connaître est important.» Quant à Cioran, il admirera
«l'unité de ton et de vision» du seul livre qu'il fit paraître en 1978,
Chroniques antérieures, «livre extrême d'un bout à l'autre», «livre
de confins» qui rejoint sa propre hantise.
Cet auteur singulier se révèle aujourd'hui à travers la considérable
correspondance qu'il adressa à son ami Didier durant près de trente
ans. Dès le premier volume, couvrant les années 1964 à 1974 (C'est
à la nuit de briser la nuit, Cerf, 2010), Vincent La Soudière apparaît
comme un être tourmenté, hanté par le suicide, pour qui l'existence
n'a de sens que par la création littéraire et l'oeuvre qu'il voudrait
donner au monde. Les lettres des années 1975-1980 réunies dans le
deuxième volume (Cette sombre ferveur, Cerf, 2012) se situent autour
de la publication du recueil Chroniques antérieures et témoignent
d'un temps de crise d'une rare violence, crise existentielle et spirituelle
suivie d'une descente dans les abîmes de la dépression ou du shéol. Ce
troisième et dernier volume est certainement le plus dense et le plus
profond : déchiré entre le monde de l'En Bas et celui de l'En-Haut,
des «ténèbres du shéol» au «firmament pour témoin», Vincent
La Soudière nous fait pressentir la mystérieuse articulation entre les
ténèbres et une invincible lumière dont il porte l'espérance au plus
profond de sa nuit, laissant un témoignage capital pour notre époque.