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Le débat sur les lois «mémorielles» qui se développa
en France à partir de 2005 servit de catalyseur pour
une réflexion sur les relations entre le droit, l'histoire et
la mémoire collective. Si le droit ne peut et, surtout, ne
doit pas écrire l'histoire, les points de rencontre entre le
droit et le passé sont nombreux, faisant ainsi du passé
un véritable objet juridique.
En effet, le droit s'inscrit dans un passé qu'il peut aussi
organiser. L'affirmation selon laquelle le droit est un
phénomène social implique non seulement qu'il influe
sur le contexte social, mais aussi qu'il s'inscrit dans
un contexte donné. Le passé du groupe humain qu'il
organise exerce ainsi une influence dans sa formation
et dans son application. Il peut aussi lui servir de
fondement pour ancrer sa légitimité et sa prétention à
être obéi. Mais le droit participe aussi à l'organisation
du passé. Si le passé doit être représenté ou
reconstruit afin de devenir un objet de connaissance, le
droit peut non seulement encadrer, guider et organiser
ces représentations, mais il peut aussi les construire
lui-même, contribuant ainsi à la mise en place d'une
mémoire collective apaisée.
La fréquence et la variété des recours au passé par le
droit démontrent leur généralité et leur utilité. Toutefois,
l'examen de l'utilisation du passé par le droit révèle
que tout usage porte en germe la possibilité d'une
utilisation abusive. Si ces risques ont été mis en avant
par le débat sur les lois mémorielles, leur examen
critique permet une certaine relativisation des dangers
de la juridicisation du passé et une mise en exergue de
la nécessité de l'articulation des relations entre Thémis,
Clio et Mnémosyne.