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Ne rien entendre, ne rien dire, ne rien voir... L'énarque est bien
obligé de le reconnaître, il obéit depuis trop longtemps au principe
des trois petits singes.
Soixante-dix ans après sa création en 1945, l'École nationale d'administration
- parce qu'elle incite à escamoter les problèmes plus
qu'à les résoudre, à fuir la pensée critique plus qu'à confronter pensée
politique et action publique, à séduire plus qu'à convaincre -,
ne répond plus à sa vocation initiale : «développer le sentiment des
hauts devoirs que la fonction publique entraîne et les moyens de
les bien remplir.»
Adeline Baldacchino, 33 ans, issue de la promotion 2007-2009 de
l'ENA, passionnée de littérature et de poésie, propose un plaidoyer
pour une autre école, qui redeviendrait plus soucieuse de l'invention
des possibles et moins adepte de l'étrange devise PDVMVPDV,
«pas de vagues, mon vieux, pas de vagues».
La Ferme des énarques a-t-elle encore une chance de mieux finir
que celle des animaux de George Orwell ? Peut-être, à condition
d'inciter ses habitants à combler l'écart entre le discours et le réel,
en leur offrant les moyens de savoir, de penser et d'agir - tout en
n'oubliant jamais que l'un ne peut aller sans les autres.
Préparer la révolte salvatrice plutôt que de subir la révolution coupeuse
de têtes ; réformer en profondeur plutôt que de supprimer
brutalement ; mais surtout choisir entre aveuglement et lucidité,
naufrage et sursaut... Voici le programme que l'auteure nous suggère
avec verve, en convoquant au passage un original bestiaire de
l'impatience, anguilles et méduses, albatros et abeilles, perroquets
et escargots, tous unis sous la même bannière : pour la liberté de
servir sans s'asservir.