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Tout le bonheur des hommes
est dans l'imagination
"Dans le voisinage des Champs-Élysées est une
petite maison, vrai chef-d'oeuvre d'architecture
érotique. Des statues nues représentent tout ce
que les imaginations les plus licencieuses ont
enfanté de plus propre à provoquer aux
amoureuses jouissances. On y arrive à travers un
labyrinthe d'allées dont il faut avoir l'itinéraire
pour saisir la véritable qui conduit aux Délices
- c'est ainsi qu'on appelle ce séjour enchanteur...
Le dôme est surmonté d'un satyre qui regarde,
avec une complaisance infinie, les prodigieuses
marques de sa virilité. Une jeune nymphe, debout
sur la ceinture qui domine le portique, attache à
la même partie des yeux enflammés. Le pourtour
est garni d'une armée d'amours qui lancent des
flèches sur tous ceux qui se présentent. Au milieu
du cintre, on lit ces mots gravés en lettres d'or :
Temple du plaisir. Au-dessous, ceux-ci en
lettres de feu : Jouir ou mourir."
Trois Merveilleuses - Zoloé,
Lauréda et Volsange - invitent
dans un temple dédié au plaisir
trois fouteurs, le capucin Pacôme,
le frotteur Parmesan et le député
Fessinot, avatar du thermidorien
Tallien (qui finit la partie bafoué,
le nez dans une fosse d'aisance).
Dans ce récit finement libertin,
Bonaparte, sous le nom d'Orsec,
conduit au mieux ses calculs
politiques, mais la véritable
triomphatrice est Joséphine-Zoloé,
qui, toute à ses frasques, ne perd
pas une seconde de plaisir.
On crut longtemps que ce court
roman à clés, anonymement publié
en 1800, provoqua l'arrestation de
Sade en 1801. Or, quoique sadien
en diable, il ne peut lui être
attribué avec une entière certitude.
Retour à l'ordre moral oblige, le
ci-devant marquis finit ses jours à
l'asile de Charenton (lui, l'homme
le plus sain d'esprit qui fût
jamais). Les nouveaux maîtres ne
purent jamais lui pardonner
d'avoir clamé que «tout pouvoir
est par nature criminel», ni son
insouciant penchant à croire que,
dans quelque maison de campagne
aux murs ornés de faunes foutant
des nymphes, on puisse parfois se
laisser aller à son désir.