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Si la date de naissance des créances a été débattue, la légitimité de l'utilisation du concept de
«naissance» pour appréhender une créance et les effets qui lui sont prêtés n'a jamais été discutée.
Le terme, tiré du champ lexical de la biologie, ne semble pourtant pas adapté à la description
d'une créance ; il revêt, en dehors de ce domaine, une signification trop vague pour pouvoir désigner
objectivement l'une des dates susceptibles de marquer son processus de réalisation. Cela explique
notamment la diversité des opinions qui ont été émises quant à la date de naissance d'un même type
de créance. Il est par ailleurs contestable d'avoir prêté à ce concept la vertu d'expliquer les effets
attachés aux différents stades de réalisation qu'une créance peut connaître : leur fondement réside
en premier lieu dans des considérations pratiques ou de politique juridique.
Sur un plan méthodologique, le concept comme la vertu explicative qui lui a été prêtée
illustrent une méthode de raisonnement qui a été à juste titre critiquée au tournant du XXe siècle : le
conceptualisme. Transposant une méthode propre aux sciences naturelles, celui-ci érige abusivement
les concepts au rang de cause des solutions du droit positif et par là même évacue les considérations
pratiques susceptibles de justifier ou au contraire de faire écarter l'application d'une règle de droit à
une situation donnée, motif pris de leur caractère subjectif et par conséquent non scientifique.
Ces constatations invitent à rechercher une autre manière d'appréhender le processus
de réalisation d'une créance dans le temps. Élaborer une nouvelle approche de la question suppose
de concilier plusieurs contraintes, parmi lesquelles la diversité des événements susceptibles d'intervenir
dans ce processus, la relativité de l'idée qu'une créance puisse être considérée comme «existante»
à une date donnée, la pluralité des degrés de certitude susceptibles de la caractériser ou encore
le constat que chacun des effets que l'on peut lui prêter est régi par des considérations qui lui
sont propres.
Cette conciliation paraît pouvoir être opérée en recourant à une méthode de raisonnement souple
qui, combinant approche conceptuelle et approche fonctionnelle, repose sur un jeu de présomptions
dont les résultats doivent être affinés ou corrigés en fonction de la particularité de la situation
considérée.