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Le mal n'est pas un sujet exclusivement moral pour dénoncer des comportements
abusifs. Il est au coeur du théâtre, de l'opéra, du cinéma, de la littérature
où il montre des figures ultimes, supérieures, qui ne vont pas sans
vertus. Le mal est vécu comme l'intrusion démoniaque de forces qui ne sont
pas reconnaissables, des forces qui échappent au quotidien et avec lesquelles
il s'agira de composer sans disposer de règles. Autant de transgressions
dont la philosophie a traité sous le nom de passion.
Le mal n'est pas simplement une mauvaise conduite réprouvée par une
société aux valeurs relatives et changeantes. Il fait l'expérience d'une rencontre
terrible, bouleversante, qui va au coeur des ténèbres, là où défaille
notre propre limite, où s'éveillent angoisse et stupeur devant tout ce qui
conteste notre pouvoir d'agir. Le mal dessine une frontière, une ligne d'affrontement
pour celui qui va au bout de ce qu'il peut. Il y découvre des
mondes impossibles à évaluer de manière empirique, placés hors de nos
maximes étriquées. Il s'agira donc d'une approche ontologique, élaborée
«par-delà le bien et le mal», loin de tout manichéisme.
Ce livre vaut ainsi comme une Critique de la raison pathétique s'ouvrant
à des vertus prises forcément a priori ne disposant d'aucune règle antérieure.
L'opinion ne permet pas d'en juger et le tribunal des moeurs ne saurait en
mesurer la justesse. Se rencontrent ainsi des monstres et des terreurs dont
l'imagination rend l'affrontement accessible par des recours au mythe ou
encore à des personnages dont la grandeur dépasse toute interprétation moralisante
comme le montre Flaubert mis en procès pour sa version d'Emma
Bovary.