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Les grands hommes de
l'Allemagne de 1848
étaient sur le point de
connaître une fin sordide
quand la victoire des
«tyrans» pourvut à leur sûreté,
les envoyant à l'étranger
et faisant d'eux des
martyrs et des saints. Ils
furent sauvés par la contre-révolution.
Mais il fallait rappeler
quotidiennement à la
mémoire du public l'existence
de ces libérateurs du monde.
Plus ces rebuts de l'humanité
étaient hors d'état de réaliser
quoi que ce soit de
concret, plus il leur fallait
s'engager avec zèle dans un
semblant d'activité inutile et
claironner en grande pompe
des partis imaginaires, des
combats imaginaires et des
intérêts imaginaires. Plus ils
étaient impuissants à mener à
bien une véritable révolution,
plus il leur fallait soupeser
cette future éventualité, répartir
les places à l'avance et se
plonger dans les délices anticipés
du pouvoir.
En 1849, lorsque Marx et
Engels arrivent à Londres,
ils ont été précédés par des
compatriotes, militants allemands
du Printemps des
peuples, exilés comme eux.
Refusant de réfléchir à leur
échec pour préparer la révolution
de demain, cette poignée
d'intellectuels tient le haut du
pavé sur une scène politique
qui n'a rien à envier à la scène
théâtrale. Bouffons et traîtres
s'y bousculent, que les auteurs
épinglent au milieu de réflexions
sur les formes de la
mobilisation et de la recomposition
politique d'un mouvement
révolutionnaire.
Écrit entre mai et juin 1852,
ce texte n'a jamais été traduit
en français. On y retrouve le
ton incisif et parfois cruel qui
est celui de Marx lorsqu'il
évoque ses contemporains -
qui évoquent aussi les nôtres.