Read more
De sa réhabilitation par Voltaire dans son scandaleux poème du Mondain à son
utilisation dans les pamphlets prérévolutionaires, le luxe est l'un des sujets les
plus brûlants, les plus débattus du siècle des Lumières. D'innombrables auteurs,
petits ou grands, se sont interrogés sur cet objet futile et sulfureux qui leur permet
de parler de tout : des arts et des sciences, des femmes et de la confusion sociale,
du bonheur et des inégalités, du progrès ou du déclin de l'esprit humain.
Alors que la monarchie a cessé d'édicter des lois somptuaires, alors que le
discours de l'Église est marginalisé, des écrivains s'érigents en juges, en avocats
et en législateurs de la «culture des apparences». Ce faisant, ils s'adressent à
l'opinion publique et proclament haut et fort les nouveaux pouvoirs de l'écriture :
l'affrontement autour du luxe met en jeu les compétences et la légitimité des
hommes de lettres à fixer des valeurs communes, en concurrence directe avec le
pouvoir royal.
Au coeur de cette effervescence polémique, nous croisons les figures attachantes
de ces petits polygraphes, ces «Rousseau des ruisseaux» qui tentent de prendre
place dans la République des lettres ; nous faisons connaissance du «serial
publicateur» que fut le chevalier du Coudray ; nous apprenons comment écrire
un livre sur le luxe, à la manière d'un Rabelleau ; nous suivons la lutte entre
Butel-Dumont et ses contradicteurs pour changer le sens du mot, et inventer
des adjectifs et des étymologies transformées en autant de munitions dans cette
guerre de libelles et de pamphlets.
À la fin des années 1780, les fastes de la monarchie ont cessé d'éblouir et le
luxe de Marie-Antoinette, «l'Autrichienne», est devenu, sous la plume acérée
des pamphlétaires, une arme politique redoutable, car ce débat foisonnant a aussi
contribué au changement de culture politique qui mène à la Révolution.