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Marie-Adélaïde de Savoie (1685-1712)
Duchesse de Bourgogne, enfant terrible de Versailles
En octobre 1696, s'ébranle depuis Turin le cortège qui conduira Marie-
Adélaïde de Savoie à Versailles. Le contrat de mariage qui la lie désormais
au duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, scellera, quelques mois
plus tard, le sort de l'Europe par la paix de Ryswick. Dès la naissance de
sa fille, guidé par un cynisme lucide, Victor-Amédée II l'avait destinée à
devenir une princesse française. Il y réussit fort bien. D'emblée, le
monarque fut séduit par l'extraversion, le naturel et la simplicité de
l'enfant ; il la trouva « à souhait ».
Devenue duchesse de Bourgogne, la jeune femme bouleverse néanmoins
l'étiquette de la cour de France, confite dans les dévotions. Elle devient
rapidement la coqueluche de Versailles. Son caractère tempère la religiosité
morose de son mari ; sa gaieté galvanise autour d'elle musiciens,
compositeurs, chorégraphes et hommes de lettres. Son entrain et sa
désinvolture incitent à multiplier les bals, les jeux, les représentations
théâtrales, les loteries de chinoiseries... Le goût de la duchesse est
éclectique. Elle danse le ballet-mascarade, se laisse séduire par le
merveilleux féérique des contes, touche le clavecin avec un certain
talent, applaudit au Théâtre Italien et interprète les tragédies sacrées
que lui offre Mme de Maintenon. Les dernières années du règne de Louis XIV
voient ainsi renaître, sous le coup de divertissements dispendieux honorés
par le roi, tout un mécénat littéraire, musical, mais aussi architectural,
autour des travaux d'aménagements de la Ménagerie, dont la jouissance
est offerte à la duchesse. La cour sort de sa torpeur durant cette
époque charnière qui relie les splendeurs éteintes de la cour du Roi-
Soleil aux excès de la Régence, puis de Louis XV.
En éclairant ses années de formation, en étudiant le mécénat de la
duchesse de Bourgogne au sein du système de la cour et d'une politique
de distinction marquée par la prégnance de plusieurs clans politiques,
en interrogeant l'efflorescence d'oraisons funèbres d'où percèrent les
espoirs déçus et l'imaginaire collectif de la nation, le présent volume
entend combler les lacunes de l'historiographie contemporaine longtemps
restée muette sur la brève destinée de Marie-Adélaïde de Savoie
et le climat de la cour de Versailles entre 1696 et 1712.