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«Plongeant dans les miens ses yeux tout à la fois inquiets et ironiques, elle m'interrogea, voulant savoir ce que je faisais, quand je n'effrayais pas les gens.
- Des miracles, répondis-je.
- Très amusant, fit-elle.
... Mon découragement lui arracha un sourire qu'elle voulait apaisant. Elle chercha à plaisanter.
- Donne-moi une preuve...
- Il n'y aura plus de miracle.
Parole assez présomptueuse, compte tenu de ce qui allait suivre.»
Gobbio n'a certes jamais songé à se vanter d'avoir reçu en partage ce don peu banal : celui d'accomplir des prodiges. Les larges loisirs dont il dispose, il les passe à l'écart du monde, chez les marchandes de plaisir qui lui dispensent, à défaut d'amour, toutes sortes de voluptés. Et tout irait pour le mieux si l'amour justement, le vrai, ne fondait tel un oiseau de proie sur cet «ange» trop humain, un beau soir, à Venise...
Brodant sur le thème éternel du manque, moteur de toute comédie humaine (et de la comédie divine), Serge Filippini nous convie à suivre en ses aventures l'infortuné Gobbio, révolté contre le ciel par haine de l'ennui, châtré par vengeance, exilé par amour, tour à tour mendiant, voleur, picaro... Errant à travers un monde où l'extraordinaire est exigé par principe, doutant s'il vaut mieux obéir à son créateur ou à son désir, le voici désormais en quête de cette seule et improbable merveille : la survenue d'un miracle à la mesure du cœur de l'homme, et qui ne devrait rien aux faveurs d'en haut.
