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1906 : Armand Fallières est élu président de la République. Cet
homme affable et rassurant, porteur des idéaux de la gauche
républicaine, est un ferme adversaire de la peine capitale. Il
grâcie systématiquement les condamnés à mort, tandis qu'un
projet abolitionniste est déposé en novembre à la Chambre des
députés. L'affaire semble en bonne voie quand survient le crime
d'Albert Soleilland. Le 27 janvier 1907, ce petit bourgeois déclassé,
vivant de menus larcins et errant d'un meublé à l'autre, viole et
assassine la fillette de ses voisins et amis, Marthe Erbelding,
onze ans. La culpabilité de Soleilland ne fait pas de doute : il
est condamné à mort. Mais le caractère atroce du meurtre
provoque un déchaînement des passions, surtout lorsque le
coupable est grâcié. La presse se déchaîne, mettant en scène
une opinion anti-abolitionniste qui fausse le débat sur la peine
de mort, finalement maintenue.
L'historien Jean-Marc Berlière présente ici un dossier d'une
grande richesse, tiré des Archives de la préfecture de police. On
y trouvera le rapport détaillé de la brigade criminelle, les aveux
de Soleilland, qui éclairent les circonstances du crime et la
personnalité de l'accusé. On y verra aussi que certaines préoccupations
ne sont pas nouvelles : en 1907, déjà, le débat sur
l'insécurité et l'efficacité de la police faisait rage. Les articles
enflammés des journalistes et les lettres souvent haineuses du
public montrent comment la presse et l'opinion - sollicitée pour
la première fois avec une telle ampleur - ont fait pencher la
balance dans un débat politique extrêmement sensible.