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La France a été le premier pays en Europe, et
probablement au monde, à connaître, dès le
début du XXe siècle, les signes d'un vieillissement
démographique qui, confondus avec les
signes d'une décrépitude liée à la vieillesse, lui
apparurent d'abord comme une menace.
Au long d'une période charnière, de la loi de
1905 instituant l'assistance obligatoire aux
«vieillards indigents» jusqu'au Rapport
Laroque dessinant les contours du «troisième
âge», cet ouvrage cherche à démêler les
réalités et les représentations, à repérer les
pesanteurs ou les évolutions qui ont façonné
durablement nos mentalités et nos comportements.
Stigmatisés par le discours démographique
et mis à distance par le corps médical,
les gens âgés ne peuvent s'émanciper de
stéréotypes souvent péjoratifs, alors même
qu'ils sont entraînés, du fait des deux guerres
mondiales, de l'inflation et de la généralisation
du salariat, vers des formes de socialisation
nouvelles. Des couches de plus en plus larges
de la population vieillissante relèvent d'un
traitement collectif, où charité, bienfaisance,
assistance et assurance s'entrecroisent sans
toujours s'exclure. La notion de retraite, encore
rejetée en 1910 par des Français rétifs au
salariat permanent, fédère au milieu du siècle
un groupe d'âge, capable de faire entendre ses
revendications et de réaménager positivement
la fin de son cycle de vie.
Jamais le sens et l'expérience de la vieillesse
n'ont changé aussi vite et aussi profondément.
Ces métamorphoses travaillent l'ensemble des
parcours de vie et amènent les Français à
redéfinir leurs stratégies à tous les âges et
dans tous les domaines : famille, patrimoine,
emploi, formation, santé, loisirs ou culture. La
vieillesse apparaît alors non seulement comme
une construction sociale mais aussi comme un
facteur décisif du changement social.
À la lumière de son histoire, serait-il possible
en France de penser enfin la vieillesse en
terme de dynamique sociale plutôt qu'en terme
de déclin ?