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Dans les années 70, un Français qui n'est même pas ethnologue
séjourne dans une réserve indienne du Wyoming et s'initie, auprès de
ce qu'il reste de vieux sages parmi cette communauté massacrée par le
«progrès», à l'art du conte. Comme il ne veut pas se poser en savant
mobilisé par sa seule collecte, il propose à ses interlocuteurs de leur
raconter, le soir autour du feu, une histoire de chez lui : le Roman de
Renart. Et tous alentour de s'émerveiller en constatant l'incroyable
parenté d'esprit qui unit le rusé goupil de la fable et le coyote ricanant
des hautes prairies dont les aventures, depuis les temps immémoriaux,
apprennent aux hommes l'art de jouer de bons tours à plus fort qu'eux
- et de rire sous le ciel des infortunes que nul n'élude.
«Coyote, comme Renart, constate Gérard Delfe, enseigne aux opprimés
à répliquer à la violence par la ruse : cette flèche qui, adroitement
décochée, vous permet de mettre votre ennemi par terre sans avoir à
faire couler le sang... et en gardant les rieurs de votre côté.»
Revenu en France, il transcrira (et publiera en 1979) les récits qu'il
avait reçus de ses amis Sioux Lakota ; mais à sa façon : c'est-à-dire en
tâchant de rendre à chaque conteur sa voix propre. Soit un livre qui,
tout en caressant amoureusement l'ethnographie, s'inscrit résolument
dans la littérature.
Les aficionados du monde indien d'Amérique du Nord, qui déploraient
qu'un texte de cette singularité soit resté si longtemps absent des
librairies, tranchent sans barguigner : un classique.