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La volonté des humanistes du XVIe siècle pour enrichir la langue
française afin de l'égaler au grec et au latin, a suscité des polémiques
entre Thomas Sébillet et ses amis et, d'autre part, la future
Pléiade : l'écho nous en a été conservé, entre autres, par Jacques
Peletier du Mans, et surtout la Deffence et illustration de la langue
françoyse parue en 1549. Mais ces jeunes gens - dont «le petit
nombre est si vif, si heureusement né» - n'étaient pas seuls. Tout
aussi ardent, un autre défenseur de notre langue, reprend le combat
dix ans plus tard dans ses deux Devis placés sous le parrainage
d'une illustre dédicataire, Jeanne d'Albret. Selon Abel Matthieu, les
progrès ne répondent pas aux espoirs de la première heure, faute
d'une analyse correcte du français, langue simple et naturelle, et
d'une appréciation judicieuse des moyens destinés à l'enrichir et à
l'adapter à l'audience la plus large possible. À ces réflexions linguistiques
et littéraires, en partie inspirées des prose della volgar
lingua de Pietro Bembo, Abel Matthieu ajoute une rapide description,
phonétique et morphologique, de la langue française qui apparente
l'ouvrage à une "grammaire". Toutefois il venait bien tard :
l'heure n'était plus aux joutes littéraires, mais aux controverses religieuses,
et la refonte de l'ouvrage, douze ans plus tard (sur fond probable
de St Barthélemy) ne rencontra pas un climat plus favorable.
Cependant Matthieu fut un précurseur pour les théoriciens
français au Grand Siècle : à ce titre, il mérite qu'on lui accorde
enfin sa juste place parmi ceux qui ont contribué à l'éclat et au
succès de notre langue.