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Sous ce titre moins paradoxal qu'il ne semble, l'auteur propose une
interprétation globale de la littérature dite de décadence. À partir des
oeuvres, des significations changeantes et souvent contradictoires des mots
et des images qu'ils portent, il esquisse un relevé chronologique et
topographique d'un continent littéraire jusque-là mal exploré.
Par «littérature de décadence» - une formule qui remonte à Baudelaire
et à ses «Notes nouvelles sur Edgar Poe» -, l'on a d'abord désigné la
littérature nouvelle et révolutionnaire qui s'est développée vers le milieu du
XIXe siècle par opposition à l'esthétique dite «classique» jusqu'ici dominante,
mais dont l'échec - une «décadence» authentique - était devenu manifeste.
Ce par quoi il fallait commencer, c'était tâcher de trier, de classer, de
mettre en ordre les innombrables trouvailles et innovations consécutives à
ce changement de cap décisif. Une précaution avant tout s'imposait : ne pas
céder à la tentation de préférer les débats d'idées à l'analyse des phénomènes
concrets. Il serait fâcheux par exemple que le lecteur - et le commentateur -
ne tinssent pas compte du fait que la Salomé d'Oscar Wilde ressemble
davantage à ses soeurs homonymes chez Jules Laforgue et Jean Lorrain qu'à
la Salomé redoutable et grandiose de Huysmans et de Gustave Moreau.
On ose espérer que nos lecteurs trouveront intérêt à suivre ces
spéculations et que leur propre lecture des textes s'en trouvera enrichie. On
espère également que certaines conventions anciennes auront perdu de leur
force et de leur évidence, comme celle de la compensation automatique des
défauts d'un récit par son élégance (ainsi en va-t-il des invraisemblances de
l'action romanesque dans le Zohar [1892] de Catulle Mendès).
Cette histoire de la littérature de la décadence ne devrait-elle pas, selon
toute probabilité, trouver son achèvement dans une connaissance plus
approfondie des apports et des exigences de la littérature post-décadente ?