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À la confluence de l'histoire de l'art, de l'esthétique,
de la théorie littéraire et des cultural studies,
une discipline proprement «inouïe» a vu le jour
outre-Atlantique : les visual studies. W.J.T. Mitchell
en aura été l'un des principaux instigateurs. Avec
son Iconologie, l'auteur nous pousse à considérer
l'image en ce qu'elle participe de l'intégralité de la
sphère sociale, mais aussi en ce qu'elle empreint
toute discipline en son épistémologie même, de la
littérature aux sciences, et toute politique, de
l'image-making des politiciens à leurs discours
- de la «fabrication d'une certaine image» à «l'art
de faire croire à la réalité de cette image», disait
Hannah Arendt. Mitchell interroge ainsi à la fois la
force du discours porté sur les images ou instrumentalisant
les images et la performativité de ces
discours sur le visible. Ses relectures de Burke,
Lessing ou Marx montrent en quoi l'image est le
siège d'un pouvoir spécifique, attisant les conflits
entre iconophiles et iconoclastes : l'image se meut
en fétiche, objet d'orgueil et de vénération, ou
devient signe d'un «autre» racial, social ou sexuel,
objet d'aversion et de peur. À la recherche d'une
théorie critique qui ne se satisferait pas des
commodités de l'iconoclasme, Mitchell s'attelle à
une déconstruction des idéologies de l'image, une
déconstruction qui va jusqu'à reconsidérer l'idée
même d'«idéologie». D'autre part, si l'historicité
du regard avait pu être prise en compte par
l'histoire de l'art dès le XIXe siècle, et si l'on ne saurait
aujourd'hui faire l'impasse sur la construction
sociale du regard, l'idée d'une construction visuelle
de l'idéologie, de la philosophie, du langage et du
social en son entier restait à formuler. De cette
réflexion découlent plusieurs ouvrages, dont Iconologie
forme l'enquête généalogique inaugurale.